Histoire

Carte de la Seine-inférieur au temps des romain

L’origine de Motteville

Pour nous faire une idée de ce que pouvait être Motteville autrefois, il faudrait d’abord faire abstraction de tout ce que la civilisation nous a apporté. Supprimons donc télévision, radio, téléphone, électricité, eau courante et assainissement. Dans notre paysage, enlevons les modernités du XIXᵉ S. la ligne du chemin de fer et ses annexes, gare et dépôt, les routes nationales 15 et 29, et surtout les départementales, en particulier la 20 (Croixmare-Doudeville).

Que reste-t-il … ? Un plateau…, le “Plateau Cauchois” couvert de bois aux essences variées (chênes, trênes, ormes, châtaigniers, hêtres), légèrement ondulé, 137 m au point le plus bas et 156 m au plus haut. Il est situé sur là ligne de crête passant par Fauville, Yvetot, Yerville et Tôtes. Sans ruisseau, il est placé entre les bassins versants Seine et ses rivières, l’Austreberthe et la Rançon et le versant Manche avec la Saâne et la Durdent.

"Carte de la Seine-inférieur au temps des romain”

Si Motteville m’était conté (2007)

Portrait de Nicolas Langlois

Nicolas Langlois

Il est le fils cadet de Georges Iᵉʳ. Par donation de son père, il devient en 1570, seigneur de Motteville et de Flamanville, alors qu’il est encore très jeune. En cette même année, il est nommé avec son frère Georges II Trésorier alternatif de France à Rouen.

Le titre de Commissaire aux Etats de Normandie lui est attribué de 1576 à 1581, non sans soulever quelques protestations en raison de son âge. Puis, en 1584 il est désigné Général des Finances à Rouen.

En 1586, ayant gravi très jeune les échelons d’une brillante carrière dans l’administration des finances, Monsieur de Motteville est, à 27 ans, Premier Président de la Chambre des Comptes de Rouen.

Il sera le bâtisseur du Domaine de Motteville en faisant édifier, dans un premier temps, au début du XVIIᵉ S. le château, construction de grande allure aux belles couleurs, puis de 1616 à 1621, l’église dans un style Médicis qui s’harmonise parfaitement bien avec son voisin le château.

Il épouse en premières noce Jeanne Romé, fille de Nicolas Romé, secrétaire du Roi, dont l’Hôtel rue des Carmes à Rouen deviendra le siège de la Chambre des Comptes. Par contrat du 19 décembre 1620, il s’unit en secondes noces à Marie Bretel, veuve de Jean Le Seigneur, seigneur de Reuville et fille de Louis Bretel, seigneur de Lanquetot et de Grémonville, Président au Parlement de Rouen.

Ayant eu le malheur de perdre successivement ses deux premières épouses, il se remarie à 80 ans, en 1639, en sa Collégiale Saint-Michel de Motteville, avec la très jeune Françoise Bertaut qui l’épouse sans contrainte et sans regret. Veuve deux ans plus tard, Madame de Motteville déclare elle-même qu’elle avait trouvé en cette union douceur et abondance de biens.

Il décède à Rouen en son Hôtel de Motteville, rue aux Ours, le 9 avril 1641. Ayant désiré une cérémonie d’inhumation très simple, la Commission de la Chambre des Comptes se rendit, en costume d’apparat et en cortège, de l’Hôtel Romé rue des Carmes, siège de leur institution, à son domicile rue aux Ours pour saluer la dépouille de leur Président. Il sera inhumé le lendemain en l’église de Motteville.

“Portrait de Nicolas Langlois (Cliché Bibliothèque Nationale de France)"

Si Motteville m’était conté (2007)

Château de Motteville

Château de Motteville

Au fronton de la porte principale, ces armoiries de pierre nous rappellent le constructeur du château : Nicolas Langlois, qui le fit édifier aux alentours de 1610. C’est par ce chemin que le 16 Août 1639, Françoise Bertaut sortant de l’église au bras de Nicolas Langlois a regagné son château pour la première fois en tant que Madame de Motteville.

Entièrement pavée à la construction du château, elle résonne encore du tintement des sabots des chevaux. Imaginez la ronde des carrosses et calèches transportant des personnalités régionales et nationales aux différentes fêtes et banquets organisés dans la salle de bal (aile gauche). Ce bâtiment de 2 000 m² habitables, n’est pas sans rappeler le permier Versailles.

“Château de Motteville”

Si Motteville m’était conté (2007)

Orangerie du château de Motteville

Orangerie du château de Motteville

Ce beau bâtiment en briques et pierres à trois arcades s’élève sur deux niveaux avec une toiture à la Mansard. Il servait à conserver et à protéger pendant l’hiver les différentes variétés de fruits, d’agrumes, de légumes et d’aromates.

Voué à l’usure du temps et aux aléas des tempêtes, il ne dut son sauvetage, en 1988, qu’à la ténacité au courage et à l’abnégation de Monsieur Patrice Dépinay qui avec l’aide de ses parents, l’a transformé en de très belles et agréables Chambres d’Hôtes.

Au visage ravi des clients lors de leur départ, on mesure la satisfaction que leur a apportée leur séjour. Le confort qu’offre cet établissement évoque sans aucun doute le plaisir que pouvait procurer le château au début du XXᵉ S. On comprend aisément que l’Orangerie soit devenue un endroit prisé d’une clientèle fidèle et de plus en plus nombreuse.

L’entrée et sa belle avenue, initialement plantée de beaux et grands hêtres, a été superbement reconstituée. L’Orangerie est aujourd’hui, le seul et unique ouvrage survivant d’un magnifique passé, château et parc.

“Orangerie du château de Motteville”

Si Motteville m’était conté (2007)

Orangerie du château de Motteville

Patrice Dépinay

Enfant, Patrice Dépinay habitait à Barentin. Il venait tous les dimanches chez ses grands-parents à Flamanville. La promenade familiale l’emmenait régulièrement à Motteville, sur l’ancien domaine des comtes de Germiny. Le château était encore debout et le gamin se disait qu’il l’habiterait quand il serait plus grand.

Le rêve est presque devenu réalité. L’édifice est tombé mais il reste quelques dépendances, notamment l’orangerie, dont l’ancien Barentinois est devenu propriétaire. « Je l’ai achetée en 1988 pour mes 24 ans. Elle était en ruine : elle ressemblait à une boîte à chaussures avec des trous », insiste-t-il en montrant des photos prises à l’époque. « Tous les ans, avant mon anniversaire, j’allais voir le propriétaire, Daniel Bourgeois pour qu’il me la vende ». La ténacité a payé, l’homme a fini par céder.

« Il n’y avait ni eau, ni électricité. Le maire de l’époque Jean Montier m’a bien encouragé pour ce chantier. Il y avait aussi Pierre Cabot (co-auteur du livre Si Motteville m’était conté avec Hervé Thorel et Jean Gamelin) et l’abbé Jean Fauvel. Il m’avait connu enfant. Comme j’étais mauvais en français, il me faisait lire des ouvrages anciens. Certains concernaient le château de Motteville. C’était un homme extraordinaire, très estimé dans le village », souligne l’acheteur.

Comme il travaillait du mardi au samedi, Patrice Dépinay œuvrait sur le bâtiment les dimanches et lundis avec son père Michel, aujourd’hui âgé de 84 et que l’on croise toujours dans la propriété, au cœur du potager dont il bichonne les plantations. Il a fallu quinze ans pour ouvrir les trois premières chambres d’hôtes. Désormais, il y en a cinq avec une salle de réception, aménagée avec le soutien d’Ulrich Berben, dans l’ancienne remise à voitures.

Le bâtiment de l’orangerie date de 1610. Sa façade n’est pas sans rappeler celle du manoir du Fay, à Yvetot. Logique puisque les deux sites sont contemporains. « On y rangeait pour l’hiver les arbres d’ornement. Au premier étage, on entreposait les fruits. Dans les combles, on mettait du foin et de la paille », décrit le propriétaire.

Son père s’est occupé de redonner une seconde jeunesse au parc. Désormais Patrice Dépinay envisage de réhabiliter la glacière qui se trouve derrière la salle de réception. On en aperçoit le dôme. « C’est le projet d’Ulrich, corrige-t-il. C’est lui qui cherche des mécènes pour la vider et la restaurer. Chacun son tour ! Il est temps pour moi de transmettre ».

La lecture de l’ouvrage Si Motteville m’était conté apporte des précisions sur cet équipement, « un luxe rare au 17e siècle car très onéreux ». Il était installé le plus souvent sur une butte ou à flanc de colline afin d’y trouver un terrain très sec. L’endroit était orienté au nord et protégé par un rideau d’arbres pour voir le moins possible le soleil. La glacière, en forme de tronc de cône renversé, descendait de six à huit mètres de profondeur. Ses parois étaient assez épaisses pour la rendre hermétique. L’unique entrée comptait deux portes, séparées de deux à trois mètres. Elle était remplie de glace et de neige.

À quoi servait-elle ? « Pas à conserver les aliments », indiquent les auteurs. Mais elle était utilisée « pour faire des boissons glacées et des sorbets avec les fruits récoltés au jardin ». On apprend à la lecture que « l’autre utilisation était d’ordre médical ». Car « à cette époque, la glace était un médicament de première nécessité ». L’évolution a rendu caduque ce genre d’installation. Cela reste un élément de patrimoine qui mérite d’être extrait des glaces du passé.

“L’orangerie de Motteville : mieux que dans son jus.”

Le Courrier Chauchois (2017)